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Une française au pays des sables
Une française au pays des sables
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12 décembre 2005

le 11 novembre : l'attachement d'Aghali et de Fatime

Le vendredi 11 novembre s’est levé sur un mauvais jour. Réveil difficile, pas envie d’aller bosser, et, en plus, Sidi a disparu de la circulation matinale du marché. Soit. Il faut que je parvienne à me motiver, sinon mon étude ne finira jamais. Je partis alors à la « fada » du boucher Saïdou en quête de mon interprète. Ce qu’on appelle fadas, ce sont des lieux de rencontre où on se retrouve pour prendre le thé et causer des heures durant. Chacun a ses habitudes, et, lorsque vous cherchez une personne en particulier, la fada qu’il fréquente est le premier endroit à aller vérifier. Et ceci est particulièrement vrai pour Sidi, qui n’est jamais chez lui.

Arrivée chez le boucher, Sidi absent. On m’apprend qu’il a été convié à une charité. Bé oui, c’est ça d’avoir un interprète de famille de marabouts… Tous les marabouts étaient présents à cette invitation. Ils viennent lire des versets du Coran pour la personne qui l’organise, afin que les demandes de cette dernière soient exhaussées. Ensuite, vers 10h, les participants mangent ensemble, puis tous se dispersent pour vaquer à ses occupations. Notamment pour vaquer au recensement… D’un côté, cela m’arrangeait d’être privée de Sidi, car j’avais une excuse en or pour retarder le début du travail. Je suis donc allée passer le temps à l’artisanat avec les forgerons, histoire de m’occuper.

Mes objectifs pour la première partie de l’étude étant quasiment atteints, je fais un peu traîner les choses en attendant un déblocage de situation pour la suite. Alors on « boulotte » sans se presser. Les matinées de travail deviennent de plus en plus courtes, et malgré le démarrage en retard d’aujourd’hui, nous avions largement terminé vers 11h. Soit. Que faire alors ? Simple : aller perdre du temps à la forge d’Amghar, en face de l’artisanat. « Maître » Amghar Amo a en effet fait scission du reste des forgerons en ouvrant cette année une boutique en face du centre artisanal. Il a ainsi plus de place pour exposer ses articles, et a installé son enclume dans un coin, ce qui lui permet de travailler tout en offrant le thé à ses clients. Et c’est plutôt sympathique, car tout le monde en profite pour venir se reposer sur ses nattes.

Ce vendredi matin là, en allant vers ladite forge, j’ai croisé Idrissa et Hamaté qui gardaient la boutique du commerçant d’à côté. Quand les touristes sont rares, les forgerons traînent dans les alentours, et s’ils ne sont pas assis à attendre chez le boucher, vous les trouverez dans une des deux boutiques près du CAMI. Les deux cousins m’ont ainsi annoncé qu’aujourd’hui aurait lieu le mariage d’Aghali-Tchanka et de Fatime. La journée avait déjà mal commencé et les voilà en train de me raconter du n’importe quoi pour me faire marcher. Je sais que nos deux tourtereaux vont se marier prochainement, Aghali ayant payé la dot, mais c’était bien la première fois que j’entendais concrètement parler de leur union. Et pourtant, ce n’était pas une blague. Allez savoir quel genre de bestiole avait piqué les anciens de la famille, mais ils ont brusquement décidé ce matin même que l’attachement devait absolument avoir lieu le 11 novembre 2005. Les intéressés n’étaient même pas au courant et tous l’ont appris en fin de matinée.

Petite note explicative avant de poursuivre : qu’est ce que l’« attachement ». Il s’agit de l’union religieuse. Rien à voir avec la grande fête qui dure une semaine avec tendé, chameaux, henné, tresses, grosse bouffe, case de jeune marié et tout le cérémonial. D’ailleurs, pour l’attachement, il n’y a même pas besoin de la présence des fiancés. Tous vont à la mosquée, les marabouts lisent le Coran, et le mariage est scellé. Durant une semaine entière, la jeune mariée doit rester chez elle, interdite de sortie, et le jeune marié n’est pas autorisé à aller la voir. Ensuite, il a le droit de l’emmener chez lui, mais en réalité, les familles préfèrent attendre la cérémonie traditionnelle pour les laisser emménager ensemble. En effet, un enfant conçu avant le mariage touareg, ça fait désordre.

J’ai retrouvé l’heureux marié chez Amghar. Enfin, heureux qu’à moitié car il aurait bien aimé le savoir un peu avant, surtout qu’il avait du travail. Mais les décisions émanant des anciens sont sans appel. L’organisation de la journée allait donc se faire dans la précipitation, et il me demanda de l’aide : il allait avoir des invités dans la journée, mais rien à leur proposer d’original à manger. Je lui avais dit un jour qu’il fallait que je lui fasse goûter mon pain perdu, et ce n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd. J’avais en effet testé la recette à la maison, et ça avait plu. Il voulait donc que je lui en fasse pour cet après-midi. Je trouvais l’idée bizarre, ne considérant pas le pain perdu comme un repas de fête, surtout au vu de la présentation douteuse que ça a. Mais soit, il en veut, il en aura, et il n’aura pas à venir se plaindre !

Fatime avait été installée au calme dans la maison d’Attefock, les femmes de la famille s’étant regroupées chez Toumat pour préparer le repas. Emmitouflée dans son grand voile, elle était allongée sur un matelas placé sous le hangar d’Attefock, et elle avait plus l’air d’une fille malade que d’une future mariée. Elle ne disait mot et se cachait. Ses amies étaient présentes et nous avons mangé ensemble (quoiqu’elle n’ait pratiquement pas touché aux différents plats). Pourtant, ce mariage n’est pas du tout un mariage forcé ou arrangé, et ces deux là s’unissent de leur plein gré. Ca me faisait bizarre de voir Fatime comme ça. Les visites défilaient pour la féliciter, et même Aghali-Joker fit un passage. Je laissai cependant assez rapidement les femmes chez Toumat pour passer de l’autre côté, chez le jeune marié. Elles allaient frapper le tendé en l’honneur du mariage des cousins, et je quittai l’agitation pour l’ambiance masculine nettement plus calme. J’ai d’ailleurs croisé en chemin Effes qui errait en quête de tranquillité, fuyant sa maison investie par le tapage féminin.

Il y avait peu de monde quand je suis arrivée chez Aghali. Je me suis mise à mon travail après le thé, vers 16h, bien décidée à finir vite. Seulement, la cuisine au charbon prend plus de temps qu’au gaz, et en plus, c’est carrément plus salissant. J’étais dans un coin de la cour, accroupie dans la poussière entre le brasero et mes casseroles de lait, œufs et pain. A mon grand malheur, les invités défilaient, tandis que les musiciens installaient tout leur matériel pour la guitare de ce soir. J’aurais aimé disparaître sous un caillou tellement j’avais honte de mon état lamentable. Ca casse le mythe ! Je ne rêvais que d’une chose, prendre une bonne douche, me coiffer et m’habiller de façon plus présentable. Mais je n’eus fini ma mission qu’aux environs de 19h, une fois le soleil couché. Heureusement, ma préparation a fait effet et Aghali était content. Tout au long de l’après-midi, il venait remplir les assiettes de pain perdu tout chaud sorti de la marmite, tandis que des fraudeurs venaient grappiller des morceaux en cuisine. Je me suis tout de même bien amusée et j’étais contente de participer moi aussi au mariage de mes amis. Les guitariste, Bachoan et Maman, m’ont même promis une chanson sur « Anne la cuisinière » !

Fatime m’a invitée à partager le repas du soir avec elle et ses amies. Je n’ai fait cependant que y goûter, ayant grignoté du pain perdu pendant toute la journée. Elle n’allait pas participer à la guitare organisée par son mari ce soir, condamnée à rester cloîtrée dans sa chambre. Je trouvais ça déprimant au plus haut point, mais c’est la tradition. Ils n’ont que ce mot à la bouche, la tradition. Ca ne fait souvent bondir quand je vois ce que ça implique, et on ne peut rien y faire ni y changer.

Je partis ainsi après une douche bien méritée, vêtue de mon pagne indigo, chez le jeune marié, en compagnie des femmes de la famille. Nous avions des places réservées sur un matelas et étions installée en face des hommes de la famille. La cour de chez Aghali été bien remplie, et je fouillais la foule du regard pour voir qui était présent. Cet attachement surprise n’avait pas laissé le temps à Aghali de prévenir de la soirée, et beaucoup déplorait de ne pas avoir été mis au courant. Malgré des problèmes de sono, nous nous sommes beaucoup amusés. La famille défilait pour danser au centre, tandis que Hamaté et Ahmed (le frère d’Aghali) chauffaient le public et s’occupaient de l’ambiance. Il y avait pas mal de monde que je connaissais dans le public, des amis de la famille forgeron, et entre deux invitations, j’allais saluer les uns et les autres. Malheureusement, le temps passa trop vite et la fin fut rapide. Comme à chaque fois, la cour se vida soudainement, ne laissant que les musiciens et danseurs pour un dernier morceau. En l’espace de cinq minutes, l’espace était vide, les guitaristes avaient rangé leurs instruments, et seuls restaient Ibrahim-Ouba et Aghali-Joker qui persistaient à danser sur la piste silencieuse.

Ils me poussèrent ensuite dehors, et je n’eus pas le temps de revoir Aghali Tchanka, qui avait été bien réservé au cours de la soirée. Je trouvais que nos deux jeunes mariés étaient bien déprimés ! Ca passera avec le temps…

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Commentaires
M
j’héberge Amghar depuis 7 ans afin qu'il puisse vendre ses bijoux et faire vivre les familles de la coopérative d'Iférouane, je viens de prendre 2 photos de votre Blog pour alimenter le mien, acceptez vous cette démarche?<br /> <br /> Merci d'avance<br /> http://amghar-d-iferouane.blog4ever.com/blog/index-491389.html
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