Souvenir de ma première résidence iférouanaise
Une question récurente qui m'est posée est : mais comment tu logeais quand tu étais au Niger ? où tu dormais ? Pour y répondre en partie, j'ai récemment retrouvé une description que j'avais écrite au début de mon séjour, alors que je résidais chez mon maître de stage et premier adjoint au Maire M. Houma. En la retranscrivant en format informatique, de nombreux souvenirs me sont revenus, et je pense que, quoiqu'un peu rébarbative par moment, cette description reflète bien mes conditions de vie à mon arrivée à Iférouane : observation, lenteur, isolement. Par la suite, tout a bien changé, mais il a fallu savoir se faire apprivoiser par ce nouvel environnement et s'y intégrer...
Ma
piole
C’est une petite chambre construite de briques de
terre d’approximativement 15m². Je dis bien approximativement, car je n’ai
jamais été douée pour évaluer les distances et les espaces, et j’ai estimé la
surface au nombre de mes pas irréguliers bien loin de la mesure métrique. Une
porte de tôle ondulée bleue en ouvre l’accès. Elle ne ferme pas et se permet
même de grincer quand le vent la titille. Alors je la maintiens ouverte en la
bloquant avec une planche de bois, et tente de la fermer quand je pars en
vadrouille en la tirant fort pour qu’elle se coince, souvent en vain…
A ses côtés est percée une petite fenêtre bleue
également, de tôle pareillement, mais prête à tomber et hasardeusement
maintenue en place par un seul des deux gonds. Je la maintiens ouverte le jour
en la soutenant par un morceau de bois, histoire de faire rentrer le peu d’air
qui me donnera une douce illusion de fraîcheur. En effet, la température
intérieure atteint des records, mais au moins je me dis que cela fera fuir les
scorpions qui préfèrent la fraîcheur.
Au sol, c’est de la terre poussiéreuse et du sable
grossier. Mais j’ai la chance de disposer du revêtement local et la majeure
partie de mon parterre est recouvert de nattes : une grande, une moyenne
et une petite. Et comme s’asseoir ou s’étendre sur une natte chaude rend malade
(Alhassan n’arrêtait pas de me le répéter !), je dispose également de
couverture (au nombre de deux) à étaler par-dessus. Comble du luxe, j’ai aussi
un matelas que je place perpendiculairement à la porte, contre le mur qui lui
fait face. Ainsi, quand j’écris, je lis ou me repose, j’ai vu, dès que je
tourne la tête vers la droite, sur Aïchatou qui prépare le repas dans la
cuisine et sur les gens traversant la cour pour rendre visite aux propriétaires
des lieux.
Côté mobilier, directement en entrant sur la droite
se trouve un grand bureau de bois blanc aux longues pattes métalliques, avec
même deux tiroirs pouvant être fermés à clef, à défaut de ma porte
d’entrée ! Comme il n’y a pas de chaise, il ne me sert pas à grand-chose
en fait, si ce n’est à poser mes affaires de toilette. A gauche, toujours en
entrant, contre le mur sous la fenêtre se trouve ma deuxième pièce de mobilier,
une petite table basse où j’ai entreposé livres et cahiers. Une grosse guêpe rouge
l’a trouvée bien à son goût et en a profité pour construire son nid (en terre
tant qu’à faire, pour ne pas détonner avec la décoration) juste sous la
tablette. Elle vient y trafiquer durant la matinée puis part traîner la journée
durant je ne sais trop où, elle ne m’en tient nullement informée.
Parmi mes autres colocataires, il y a aussi un lézard couleur sable à l’air
hagard qui aime s’amuser à grimper à toute vitesse le long du mur puis à
effectuer un saut périlleux le faisant rebondir sur mon sac ou ma poubelle,
c’est selon. Puis il y a l’ami moustique qui squatte étrangement toujours le
même endroit : le pied du matelas… Dès que j’y mets la tête, il vient me
saluer du bruit strident et stressant de ses battements d’ailes. Pour finir, il
y a ces multitudes de mouches, agaçantes petites bêtes qui me tapent sur les
nerfs, bourdonnant sans se fatiguer du matin au soir.
Contre les murs sont fixés des morceaux de bois
plantés de clous faisant office de porte-manteaux. J’y ai accroché mes
fringues, tuniques et pantalons décorant ainsi un peu plus ma chambre, et le
sac de laine multicolore crocheté que m’a offert Alhassan, afin d’égayer
l’ensemble. De même, pour le garder de l’offensive des fourmis, j’y ai suspendu
mon pochon « p’tit déj’ » contenant fruits des jardins et les fameux
biscuits « casse croûte », compagnons indispensables des sorties en
brousse ! La bouillie de mil et de lait mélangés me rendant malade, il m’a
bien fallu trouver une alternative pour me nourrir le matin…
Tous les soirs, je sors mon matelas pour le poser sur
un sommier à ressort placé contre le mur, sous la fenêtre. Eh oui, je dors tous
les soirs dans un lit, un vrai ! Je fixe ma moustiquaire à un clou planté
dans le mur qui s’effrite, et m’assoupis chaque soir en contemplant à travers
la fine maille la multitude d’étoiles qui scintillent dans le ciel, mon chèche
ramassé en boule en guise d’oreiller…
Je passe mes journées dans cette chambre, cette
antre, cette piole, appelez la comme bon vous semble. C’est à la fois mon
bureau, ma salle à manger, mon salon. Je passe de longs moments à fixer son
plafond de bois et de nattes. Mais mon moment favori reste tout de même celui
où j’en quitte la lourde atmosphère pour aller me perdre en vagabondage dans
les rues d’Iférouane !