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Une française au pays des sables
Une française au pays des sables
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4 avril 2006

Algérie Toussaint 2004 : chapitre 8

"Les hommes? Il en existe, je crois, six ou sept. Je les ai aperçut il y a des années. Mais on ne sait jamais où les trouver. Le vent les promène. Ils manquent de racines, ça les gêne beaucoup."
Le 28 : L’oued de Tintarabin.

Au réveil, la Lune avait laissé la place au Soleil après son cinéma de la nuit. Ca commençait déjà à chauffer, et ce fut une journée chaude. On étouffait sous nos chèches et roulait toutes fenêtres ouvertes, poussière ou pas.

Nous nous sommes arrêtés à midi à Tahagart, immense amphithéâtre de pierres sombres, site incontournable du désert algérien qu’on voit souvent en photo dans les guides touristiques ou les publicités des agences de voyage. Des colonnes rocheuses s’élevaient autour du cirque, entourées de grosses caillasses tombées à terre à cause du travail du temps et de l’érosion. Le Soleil tapait dur et nous restâmes tels des lézards collés à la roche, tous agglutinés au peu d’ombre fraîche qu’il daignait nous laisser, jusqu’à ce que Fendek sonne le départ. C’était presque à regretter ce temps si caniculaire, car l’endroit mérite qu’on s’y attarde et nous n’avons pu profiter de sa grandeur.

La route de l’après-midi fut plus agréable. Nous traversâmes l’oued Tintarabin parsemé d’acacias et jonché de touffes d’herbe, où se situent de larges dalles gravées. Le matin déjà nous nous étions arrêtés sur un site de sépulture où des tombes quasi circulaires, balisées par des rocailles, laissaient encore apparaître les traces de squelettes recroquevillés dans une position de fœtus, et où des morceaux de poteries étaient éparpillés un peu partout. Nous avons ainsi continué notre voyage dans le passé par la visite de ce musée à ciel ouvert où il fallait prendre garde  à ne pas trop marcher sur les gravures de rhinocéros, girafes et autres bêtes rencontrées par les hommes de l’époque. Une représentait un archer chassant une girafe. Une autre un éléphant en pleine course. Les styles variaient d’un dessin à l’autre. Il y avait même des artistes non figuratifs qui s’étaient laissés aller à des délires de spirales et lignes courbes.

Autour de ces grandes dalles de pierres noires malheureusement brisées par endroits, détruisant alors les gravures, on pouvait trouver des pierres rouges, violettes, mauves, émergeant du sol en fin feuillets, colorant d’une touche pastel la surface sombre.

L’oued était assez sec et le paysage moins enchanteur et magique que précédemment. Pourtant, ce fut un réel bonheur de rouler en cette fin de journée à travers le désert pour rejoindre Imbroum, le lieu du bivouac. J’étais dans la voiture de Mohamed, la plus animée sûrement : ce matin, pris d’un ras le bol de conduire, il avait déjà passé le volant à Jean et, au niveau des dunes ensablées, c’était à Anne, assise à côté du conducteur, de passer en mode quatre roues motrices sur ordre du touareg, en tirant et poussant sur un petit levier à droite de celui de vitesse. Contrairement à ce à quoi il semblait s’attendre, ils ne se sont pas ensablés, et c’était bien comique ! En ce début de soirée, il avait repris les rênes, et suivait les montagnes afin de rester à l’ombre, roulant un peu à l’écart des deux autres voitures, l’autoradio branché en boucle sur de la musique touareg, avec, au loin, les aiguilles de Youfallaket qui pointaient hors des montagnes et des dunes.

Le lieu du bivouac était en pente et la nuit s’annonçait mauvaise. De plus, Anne et Claudine levaient l’ancre demain pour retourner en France plus tôt que prévu pour raisons professionnelles. Bref, l’ambiance était un peu minée, en plus d’être froide à cause des montagnes aux pieds desquelles nous campions qui nous faisaient de l’ombre.

Avant de manger, Mohamed est venu me trouver alors que je méditais, allongée sur mon matelas à contempler les étoiles, afin de me demander mon carnet, sur lequel il voulait écrire un message en arabe que j’aurais à faire traduire une fois de retour au pays. Ainsi, avec Aziz, ils se sont accaparés mon journal, discutant entre eux de ce qu’il fallait écrire, prenant tout le temps nécessaire à la formulation correcte, me laissant complètement perdue et analphabète au beau milieu. Mais j’aime tant les entendre parler arabe ! Par moment, on ne sait plus s’ils parlent ou chantent, et les mots coulent comme une mélodie, rythmée par les différents accents. On dit que l’arabe est une langue dure et agressive, mais rien de tout ça n’écorche mon oreille quand je les écoute, et elle ne perçoit qu’une douce musique aux sonorités inconnues. Ils n’arrêtent pas de discuter, ayant toujours des choses à se raconter, et leurs veillées durent jusqu’à tard dans la nuit.

Ce soir, je ne me suis pourtant pas attardée, me sentant lasse après la folle nuit de l’éclipse qui m’a fait prendre du temps de sommeil en retard, et du départ de deux membres de la compagnie, qui résonnait comme le glas de la fin du voyage.

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