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Une française au pays des sables
Une française au pays des sables
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11 septembre 2005

Première semaine à Iférouane.

       Pour la première nuit, je fus logée avec Pierre et Alhassan dans la maison du père de ce dernier, en plein dans le quartier sud où réside toute la famille. C’est une véritable tribu, et je me perds entre tous les cousins, tous forgerons de profession vivant de l’activité touristique du village.

Ibrahim et Pierre repartirent assez rapidement, ayant du travail du côté de Tchintelloust. Alhassan commençait aussi à penser à son retour sur Agadez où il avait à faire, mais il tint toutefois à rester un peu avec moi pour me présenter un maximum de personnes et me montrer la vie au village. Ainsi, ces premiers jours furent agréables, partagés entre de longues ballades dans les jardins d’Iférouane à manger des fruits au bord de l’eau coulant abondamment dans les canaux d’irrigation, et entre des causeries autour du thé.

Iférouane est un village paisible construit tout en longueur du nord au sud. A l’est s’étend le kori autour duquel se tiennent les jardins maraîchers où tous cultivent en ce moment les oignons, vendus par la suite sur les marchés d’Arlit et Agadez. La grande majorité de la population possède un jardin qui constitue leur source principale de revenus. En plus d’un revenu financier par la vente des récoltes, leur jardin leur permet de nourrir la famille, avec la production de céréales comme le blé ou le mil. Un bon jardin peut être exploité sur toute l’année, les récoltes s’enchaînant. Suivant les moyens, les jardiniers utilisent pour tirer de l’eau de leur puits soit des motopompes gourmandes en carburant, soit des moyens traditionnels avec des bêtes d’exhaure, chameaux ou bœufs, qui font remonter des outres chargées d’eau par d’incessants allers-retours. Cependant, il y en a aussi qui ne dispose ni de l’un, ni de l’autre… Reste que ce lieu a des allures de paradis pour le promeneur de passage, car très vert et frais. On se perd dans des dédales de verdure, escalade les barrières bourrées d’épines (donnant du travail aux tailleurs du village, sollicités pour la réparation de pantalons déchirés, et je sais de quoi je parle !!) pour passer d’un jardin à l’autre, lézarde à l’ombre des palmiers dattiers en dégustant des goyaves. Bref, on se détend.

Derrière les jardins s’élèvent les monts Tamgak aux pieds desquels se trouve une guelta où tous vont régulièrement pique-niquer et se baigner. Les maisons du village sont construites en terre ocre, et à l’intérieur se dresse une ou plusieurs habitations de brousse, en bois et palmes. Ainsi sont constituées les différentes pièces de la maison, toutes disposées dans une grande cour intérieure. J’ai vite appris à repérer la voie principale du village, les ‘Champs-Élysées’, où se tiennent les commerces. Pour le reste du village, je me laissais au début complètement guider, incapable de prendre des repères et totalement perdue.

Mon maître de stage m’a invité à venir m’installer chez lui pour plus de commodité pour le travail. En effet, il habite juste derrière les bureaux de la coopération allemande qui a mis en place un ambitieux projet de lutte contre la pauvreté (LUCOP) et où je vais être amenée à pas mal traîner. De plus, il est très pris dans diverses activités, entre son statut de vice maire de la commune récemment constituée par la campagne de décentralisation au Niger, et son travail de chef d’antenne au niveau de LUCOP. Ainsi, il ne pourra s’occuper de moi qu’entre ses heures de travail au bureau.

De ce fait, j’ai refait une dernière fois mes valises pour un ultime déménagement. Au revoir le quartier forgeron, je te quitte pour la bordure du quartier nord, mais ce n’est que partie remise, et je reviendrai régulièrement t’embêter !

Après deux semaines passées à me reposer entièrement sur Alhassan, ça me faisait bizarre de devoir enfin me débrouiller un peu seule. Il partit brutalement le jeudi de la semaine, ayant trouvé l’occasion qu’il attendait tant pour repartir en ville. Comme je commençais à travailler et qu’il n’avait rien à faire ici, si ce n’était visiter sa famille, il lui tardait de retrouver Agadez. Il est passé en coup de vent me dire au revoir, mais ce n’est qu’une fois la porte refermée que j’ai paniquée à l’idée de me retrouver sans lui pour m’aider.

Les jours qui suivirent furent éprouvants, entre mal de ventre et problèmes de nutrition, le tout couronné par une chaleur étouffante, sans air. Ma chambre étant très peu ventilée, j’ai passé d’interminables journées allongée sur mon matelas à transpirer tant que je pouvais à la plus grande joie des innombrables mouches, maudites petites bêtes venant se délecter de ma sueur, et à prier pour que ça aille mieux demain. J’avais bien mes médocs, mais rien n’y faisait. L’appétit me manquait, et je redoutais le moment du repas où je devais me forcer à chaque cuillère pour tenter de récupérer quelques forces. J’essayais de prendre mon mal en patience, mais le temps me semblait s’être arrêté. Heureusement, je bénéficiais chaque jour d’un peu de répit durant lequel je me sentais un peu mieux et j’en profitais pour aller du côté de chez les forgerons. Et quand ça n’allait pas, c’étaient eux qui se déplaçaient. Mais c’est Mohamed, un jeune cousin à Alhassan, qui m’a sauvée de mes maux à grand renfort de médecine traditionnelle. Chaque matin, il venait me préparer une tisane rouge sombre à base de feuilles de goyave et d’écorce de je ne sais trop quoi. Au bout de trois jours, je courrais comme un lapin, le moral revenu au beau fixe.

J’étais enfin prête à me mettre au travail, qui n’était pas des moindres car j’avais à recenser toute la population de la commune et à étudier les différentes sources de revenu des foyers. Cette étude intéresse à la fois la mairie et la réserve naturelle de l’Aïr et du Ténéré, car personne ne connaît ni le nombre ni la condition des habitants, et ceci est problématique pour la bonne gestion de l’espace (notamment dans la distribution des aides ou la mise en place de projets de développement). Seulement, par manque de financement, je suis restée un moment au point mort, ne disposant ni d’interprète français tamashek, ni de moyen de locomotion pour nous déplacer dans l’ensemble de la commune (oui, parce que ce n’est pas une commune à la dimension d’une de chez nous, mais sa superficie équivaudrait facilement à un de nos départements !!).

En attendant, je prends mes marques dans le village, et passe mon temps à me promener. Je traîne essentiellement dans le quartier forgeron, où je trouve toujours quelqu’un pour causer jusqu’à pas d’heure. D’un côté, mon chômage technique a du bon car je commencerai à travailler en connaissant déjà un peu Iférouane et ses habitants.

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Commentaires
N
en espérant que tu es en forme!<br /> BON COURAGE! Que Dieu te garde ;-) !
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