Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Une française au pays des sables
Une française au pays des sables
Archives
19 mars 2006

Algérie Toussaint 2004 : chapitre 4

Ce qui embellit le désert, dit le petit prince, c'est qu'il cache un puits quelque part...
Le 24.

Il est dur de se réveiller et de se motiver pour quelque chose alors que le Soleil n’est pas levé ! Pourtant, il fallait remonter à l’Assekrem pour ne pas rater le spectacle qui nous y attendait… Au plus grand bonheur de Mohamed et Aziz qui devaient nous monter en 4x4 jusqu’au refuge !

Mais ça en valait la peine : nous sommes arrivés au sommet un quart d’heure avant l’aube et avons pu admirer les changements de couleurs à l’approche du Soleil. La nuit fuyait vers l’ouest en de grandes traînées rose-violettes, devant l’astre qui montait à vue d’œil. L’horizon étant embrumé, nous avons pu bien voir la boule orangée sortir de derrière les monts éclairés en contre-jour, pour ensuite s’enflammer et briller à nous éblouir à ne plus pouvoir la regarder.

Avec le Soleil est arrivée la chaleur, sans toutefois que la température nous permette d’ôter nos pulls chauds. Un des pères gardiens de l’ermitage était levé et nous a offert le thé (celui était par contre bien de l’occident !), profitant de l’occasion pour nous montrer des photos. Il est arrivé il y a plus de 20 ans et nous a raconté la vie à l’Assekrem. Comme nous avions le temps, il nous a fait visiter leur « station hydraulique », à savoir le système leur permettant de recueillir les eaux de pluie et de les stocker dans des citernes, les épurant grossièrement par décantation et les amenant à leur cuisine par un tuyau noir-chauffe-eau-naturel. Ainsi, ils sont totalement autonomes au niveau de l’eau, ayant suffisamment pour les trois personnes habitant les lieux (le doyen y réside depuis plus de 30 ans !). Tout de même, je ne sais comment ils font pour se retirer de cette façon et vivre dans des conditions si rudes, bien que le cadre soit grandiose et propice au recueillement.

Nous sommes ensuite redescendus, récupérant au passage nos chauffeurs qui s’étaient mis au chaud pour finir leur nuit, et rejoignant le bivouac pour repartir sur la route de Tamanrasset, retraversant les étendues rocheuses aux couleurs ocres et rougeoyantes. Nous sommes repassés par la même route, mais deux passages n’étaient pas de trop pour bien voir le paysage. Par moment, même s’ils me soutenaient le contraire, j’avais l’impression de n’être jamais passée par certains endroits !

Je ne m’étais pas imaginée qu’on ferait tant de voiture, mais c’est loin de me déplaire. Je ne vois pas le temps passer (de toute façon, ici, le temps n’existe plus et j’ai d’ailleurs banni ma montre), bercée par la route, le désert défilant aux rythmes et sons des chants et musiques africaines résonnant depuis les postes radio des voitures de Mohamed et Aziz.

Je vais profiter de ce voyage retour vers Tamanrasset, où il ne se passe rien de suffisamment passionnant pour que j’en fasse mention dans ce récit, pour présenter nos accompagnateurs touaregs :

Je commencerais par Fendek, véritable seigneur du désert, dont la sagesse et l’allure inspirent le plus grand respect. Parait qu’il aurait 55 ans, mais il ne les fait pas. Ou du moins, on ne peut lui donner un âge exact. Toujours coiffé d’un immense chèche blanc et vêtu d’une gandura bleue claire, se tenant fier et droit, son regard noir posé au loin, il nous guide avec calme dans ce Sahara, qu’il connaît apparemment par cœur. Tous le suivent sans mot dire et ses décisions ne sont jamais discutées. Cela ne l’empêche pas d’avoir énormément d’humour, et il m’a déjà épaté plus d’une fois par des élans de plaisanteries durant lesquel on pouvait entr’apercevoir un éclat de malice luire dans ses yeux. Mais seule Christiane se permet de le taquiner, le connaissant depuis des années. Il m’impressionne beaucoup et je me sens en entière confiance avec lui dans ce désert pourtant hostile. Je me suis parfois demandé ce qu’il se passait sous son chèche, me ravisant à cette pensée vaine, car ceci fait justement tout le mystère de ce personnage.

Viens ensuite Mohamed Zenani (il arrive souvent que les autres l’appellent par son nom de famille, ce que je lui réserve également quand il m’embête trop !), 32 ans bien qu’il voulait me faire croire qu’il en avait 22, notre chef de la logistique. C’est un bel homme avec beaucoup de charme. Quand il est en forme, il passe son temps à plaisanter, mais il peut aussi se montrer très « agité du bocal » (pour reprendre l’expression de Christiane) dès que la mouche stress le pique. Et dans ces cas là, impossible d’en tirer quelque chose ou de le calmer ! Je me suis beaucoup attachée à lui, d’une part car il se préoccupe du bien être de ses touristes avec toujours un côté facétieux, d’autre part parce qu’il a quelque chose dans les yeux qui me rappelle un serveur russe que j’ai rencontré cet été en Irlande et pour lequel j’ai beaucoup de respect. C’est marrant de trouver ainsi des similitudes entre deux personnes si opposées culturellement parlant. Il m’appelle toujours par des noms différents, la plupart arabes ou tamacheqs pour que je ne comprenne pas et aille courir après les autres pour la traduction. Parfois, il se met à nous parler en arabe, et répète jusqu’à ce qu’on comprenne (ce qui n’est pas toujours évident car il a une fâcheuse tendance à parler avec un morceau de chèche dans la bouche). C’est vraiment lui le lien entre touaregs et touristes.

Il y a aussi Miloud, notre chef cuisinier. Il mène son poste à merveille et chaque repas est délicieux (en plus d’être terriblement copieux !). Cela lui tient vraiment à cœur de nous donner le meilleur. Il fait un peu moins « targui » que les trois autres ; je ne sais pas pourquoi j’ai cette impression, peut être parce qu’il ne porte jamais de gandura ni de sarouel, et qu’il a une façon bien à lui de nouer son chèche jaune… D’allure générale, il est différent des autres. Il très bavard. Cependant, ce n’est pas toujours facile de le comprendre à cause de sa maîtrise aléatoire du français. Mais avec tout ce qu’il raconte, on fini quand même par saisir l’essentiel de son discours ! Il suit le convoi toujours assis dans la voiture d’Aziz, avec lequel il a apparemment l’habitude de travailler dans des circuits touristiques, et, dès que la halte déjeuner est annoncée, il sort sa grosse malle de cuisine en ferraille pour se mettre au travail. Toujours le sourire et ça va toujours bien !

Je terminerai par le plus jeune, Aziz, 25 ans. Autant Fendek est seigneur, autant Aziz est prince ! L’autre jour, en route vers l’Assekrem, il avait sorti la grande tenue, avec gandura bleue et chèche indigo traditionnel, de ceux qui déteignent sur la peau, donnant cette réputation d’hommes bleus aux touaregs. Avec en prime ses yeux maquillés au Kohl, il en jetait ! Car les yeux d’Aziz, ils se visitent : tout d’abord, c’est la seule chose qu’on peut apercevoir de son visage. Il ne quitte en effet jamais son chèche, se cachant derrière dès que la situation l’embarrasse et le remontant parfois entièrement quand il souhaite disparaître ! Et puis ils rient constamment, ses yeux. Il dégage un réel plaisir de vivre. C’est un amoureux de son désert, et de la musique aussi : quand il parle, on ne sait jamais s’il chante ou discute, et, le soir, autour du feu, il est le premier à aller chercher des bidons vides pour s’accompagner dans des chansons en arabe ou en tamacheq qu’il interprète avec beaucoup de douceur, laissant monter les notes vers les étoiles. Il a un côté assez timide et n’ose pas parler français, préférant que les autres lui traduisent ce qu’on lui raconte. Mais quand ils sont tous entre eux, c’est la pire des pipelettes ! C’est frustrant pour nous… !

Tout juste arrivés à grande peine sur le lieu du bivouac, je suis de suite repartie avec Christiane, Jean et Mohamed pour la ville afin d’aller chercher mes parents. Ils devaient arriver à l’aéroport aux environs de 18h30, mais leur avion a eu une heure de retard, ce qui a permis à Mohamed de finir les préparatifs (il y avait des choses à acheter) et le chargement pour le départ de demain, aidé par Aziz, le tout au pas de course et sacrément énervé car il ne trouvait pas ce qu’il voulait (notamment de la salade pour Miloud). Il nous a trimballé derrière lui dans tout Tamanrasset, à travers plusieurs quartiers différents qui commençaient à s’animer de plus en plus avec le coucher du Soleil et la rupture du jeûne, en cette période de ramadan. Nous sommes passés chez sa belle sœur, et Christiane a insisté devant un Mohamed réticent car pressé, pour me faire rentrer dans sa maison typique, constituée de deux cours intérieures : la deuxième, du côté habitation, était le point central autour duquel étaient disposées les différentes pièces, qui ne communiquaient pas entre elles. Les touaregs ont été en grande partie sédentarisés et leurs habitations traditionnelles, les zéribas, ne ressemblent guère à cela : il s’agit de huttes cubiques faites de jonc dans lesquelles il percent une entrée, sans porte.

Nous sommes également passé chez Mohamed qui habite un petit appartement d’allure plus proche de ce qu’on connaît en France. C’était intéressant de pouvoir rentrer dans des maisons locales. Tout comme ça l’était de découvrir cette ville algérienne à la porte du Niger. Christiane m’a montré les convois ramenant les saisonniers travaillant à Tamanrasset vers ce pays d’Afrique noire : ce sont d’énormes camions bâchés qu’ils remplissent à craquer et au sommet desquels s’entassent les passagers… C’est vraiment impressionnant, et sorti d’un autre monde. On est limite mieux dans le désert où l’on se confronte moins à cette civilisation si différente mais tellement intrigante.

La soirée fut ainsi bien passionnante en découverte. Nous avons bien réceptionné mes parents dont nous avons vu l’avion se poser juste en arrivant à l’aéroport. Mohamed, t’es un vrai chef ! Tous étaient bien heureux de retourner au bivouac manger le couscous que Miloud nous avait préparé pour l’occasion.

Premier bivouac ce soir pour les parents.

Bienvenue en Algérie !

Publicité
Commentaires
Une française au pays des sables
Publicité
Derniers commentaires
Publicité