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Une française au pays des sables
Une française au pays des sables
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18 mars 2006

Algérie Toussaint 2004 : Chapitre 3

Le petit prince s’assit sur une pierre et leva les yeux vers le ciel : « Je me demande, dit il, si les étoiles sont éclairées afin que chacun puisse un jour retrouver la sienne. »
Le 23 : L’Assekrem.

Je ne sais ce que va donner ce journal de bord à la fin de l’expédition, mais il risque fort d’être totalement décousu et dénué de sens… En effet, ça n’arrête pas du matin au soir, il y a tant de chose à voir et à ressentir, et toutes mes idées s’embrouillent dans ma tête, m’empêchant de faire un tri cohérent et une synthèse claire de chacune de mes journées. De plus, je ne trouve pas le temps de me poser pour écrire, et impossible de le faire en roulant sur les pistes accidentées qui nous font bondir et nous ballottent en continu. Ainsi, j’écris plus sur des impulsions que par raisonnement réfléchi par rapport à ce que je vis en ce moment.

Ce matin, nous avons dû nous lever tôt afin de partir pour l’Assekrem. J’ai dormi comme un loir, et je n’ai même pas eu le courage ni la curiosité d’ouvrir un œil dans un demi sommeil pour admirer les étoiles durant la nuit, la Lune parasite par sa luminosité enfin couchée. J’ai eu droit hier soir à un cours d’astronomie par Jacques, ce qui fait rêver avec des noms magiques : Cassiopée, Pégase, le Cygne… Et au réveil, le paysage, hier soir voilé par l’obscurité, s’est finalement révélé à mes yeux en terrain de terre rouge et de caillasses, parsemé de touffes d’herbe. Nous étions sur une vaste plaine dans les environs de Tamanrasset, et le soir, nous pouvions voir les lumières de la ville et de son aéroport.

Après le petit déjeuner, Mohamed s’est occupé des touristes nouveaux venus dans le désert pour un cours de coiffure. Pour l’occasion, il avait pris des chèches aux couleurs de la France, et, un par un, il nous les a enroulé et noué autour de la tête, fredonnant une chanson aux accents orientaux (mais de là à dire si c’était de l’arabe ou du tamacheq, langue des touaregs, je n’en ai aucune idée !). Traditionnellement, les femmes ne portent pas le chèche : seuls les hommes baroudant dans le désert en sont vêtus. En effet, cela permet à la fois de se protéger du Soleil et du vent qui charrie sable et poussière. Et nous autres touristes, peu habitués à ces conditions, ont bien besoin d’une protection adéquate !

Tous étant fins prêts pour le départ, nous sommes partis, faisant toutefois un détour par Tamanrasset où il fallait encore prendre des choses pour le voyage. La partie du désert que nous avons arpenté durant cette journée est très caillouteuse. Une mer de pierre. Par endroits étaient construits de petits murets avec des cailloux, qui permettaient aux nomades de dormir un peu sous couvert du froid au milieu de cette étendue exposée aux caprices du vent. J’étais dans la voiture de Fendek qui nous donnait de temps à autre des explications sur les alentours. Mais de désert cet endroit n’a apparemment que le nom, car, rien qu’avec la route, la trace de la présence humaine est imprimée en marques de voiture. A un moment, nous nous sommes même arrêtés prendre en stop un jeune (mais que faisait il là ?), que nous avons laissé quelques kilomètres plus loin afin qu’il rejoigne plus facilement son village. De la même manière, la halte déjeuner fut sonnée dans une guelta (point d’eau sous forme d’une mare) où un vieil homme sorti d’on ne sait trop où était posté, vendant bijoux et babioles…

Ce site était d’une grande beauté : on aurait dit un jardin miniature japonais, composé de large pierres grises polies parmi lesquelles coulaient de cours ruisseaux clairs, emportant avec eux algues et mousses vertes. Par moment étaient creusées des cavités rondes dans la roche, formant de profondes piscines turquoises sur les bords desquelles se reflétaient les miroitements de l’eau. Il y avait pas mal de végétation, notamment de la menthe qui parfumait délicatement l’air. Et durant le repas, pris assis en tailleur sur des matelas disposés autour de la nappe posée à même le sol, nous avons eu la visite d’une gerboise, gros mulot des sables possédant une longue queue se terminant par un toupet noir.

Le bivouac fut installé au pied de l’Assekrem, col au sommet duquel se situe l’ermitage du père de Foucault, un moine ayant vécu au début du siècle avec les touaregs et dont la retraite est toujours occupée et entretenue par des religieux (au nombre de trois lors de notre passage). Nous étions dans une sorte de cuvette cernée par de hauts pics rocheux nous offrant des murs protecteurs. Nous nous étions préparés à geler sur place (étant à 2800m d’altitude), mais, par chance, nous avons eu bon temps. Avant manger, nous sommes montés au sommet afin d’admirer le coucher de soleil avec une vue imprenable sur le désert. Cela ressemblait un peu aux images qu’on peut avoir du Far West version grand canyon, mais rien qu’en cailloux, sans sable ni terre. De hauts monts s’élevaient, formant des orgues par moment si fines qu’on s’attendait à ce qu’elles cassent et s’effondrent à n’importe quel instant sous un coup de vent trop violent.

En descendant de l’ermitage, nous nous sommes arrêtés au refuge en contre bas tenu par des jeunes algériens pour boire un coup, et où on nous a offert le thé, comme d’habitude. Ils en boivent tout le temps ! Au bivouac, la théière bout en continu sur le feu… Ils réservent toutefois aux touristes le deuxième ou le troisième, plus sucré et contenant de la menthe : le premier est dit être pour les hommes, fort et amer, le deuxième pour les femmes et le dernier, le plus doux, pour les enfants. Et on est loin du thé british Lipton ! C’est du thé vert et on en boit juste un petit verre (semblable aux verres à digestif). Comme il nécessite toute une préparation, c’est l’occasion de se réunir et de discuter autour du feu.

Mais pas de grande veillée ce soir, le groupe projetant de remonter le lendemain à l’Assekrem pour admirer le lever du Soleil (et mine de rien, il fallait se réveiller à 5h30 !). Avant de nous perdre au fond de nos duvets par crainte du froid tant annoncé, nous sommes restés observer le ciel, surprenant une magnifique étoile filante comme je n’en avais encore jamais vu de pareille brûler bien 10s dans une lueur orangée, laissant une traînée de feu le long de sa course. Voilà un bon présage en vue d’une douce nuit bercée de rêves exotiques…

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